lundi 7 mai 2012

Le hold-up présidentiel

Comme chacun des commentateurs depuis bientôt 24 heures, je souhaiterais apporter modestement ma pierre à l'édifice, ou plutôt revenir sur la campagne car je ne me risquerai pas à commenter les résultats ou le choix de mes compatriotes. Chacun a voté en son âme et conscience et le Président élu l'est avec légitimité.

Là où je ressent un profond malaise pour ne pas dire une colère certaine, c'est quand je constate avec horreur que l'on a volé le débat aux Français, de façon consciente et organisée. Je vais m'attarder sur le cas de Marine Le Pen et de Nicolas Dupont-Aignant. Le candidat Royaliste et la candidate Frontiste avaient ceci en commun de prôner une sortie de l'Euro. Cela leur a valu les moqueries de la classe politique, mais également d'une partie des économistes aux abois, soucieux de sauver une certaine idée de l'Europe dans un cas, ou de préserver un système qu'ils savaient condamné dans le second.

Dans les deux cas, je les soupçonne aujourd'hui d'avoir menti aux Français pour protéger un système, des privilèges et pour créer un écran de fumée autour de ce qui semble pourtant un sujet majeur, bien au-delà de notre propre chômage intérieur ou des questions de Hallal et d'immigration.

Le cas de François Lenglet est assez saisissant. Ce journaliste économique, brillant au demeurant, n'a pas ménagé ses efforts pour expliquer qu'une telle sortie de l'Euro serait une folie, et que les candidats défendant cela était au mieux des idiots, au pire de dangereux criminels.

Les discours de Madame Le Pen et de Monsieur Dupont-Aignant étaient, en substance, que cette sortie de l'Euro était inéluctable et qu'il valait mieux l'organiser que la subir. On a eu droit à des débats intéréssants et animés dans lesquels Monsieur Lenglet sortait un tas de chiffres et de comparaisons souvent douteuses (l'Iran?) pour nous expliquer que la planche à billets c'est le mal et que la dévaluation nous entraînerait dans une chute dont nous ne nous relèverions pas, comme en témoignent les extraits ci-dessous.

A partir de 10.19

Je peux entendre les arguments des uns et des autres même si j'étais sceptique car le chemin pris par la Grèce, et dans une moindre mesure l'Espagne et l'Italie me semblait indiquer que cette sortie concertée n'était pas si idiote.

Quelle ne fut pas ma surprise ce matin, 12 heures à peine après la proclamation des résultats de l'élection Présidentielle, d'entendre les spécialistes dire l'exact contraire de ce qu'ils pensaient encore il y a quelques jours!

Monsieur Lenglet nous prédit à présent une sortie de l'Euro pour dans quelques mois au plus tard. De quelles nouvelles informations dispose-t-il aujourd'hui pour dire ça dont il ne disposait pas il y a quelques jours? La chute du gouvernement Grec? Prévisible et attendu.

Ce virage à 180° est une tache sur cette campagne et sur ces débats qui appartenaient aux Français. Toute la vérité n'a pas été dite, et des candidats ont été tourné en ridicule alors que sur ces sujets peut-être, ils étaient visionnaires, un peu comme François Bayrou qui prédisait la crise dès 2006.

Oui je ne me sens pas à l'aise avec cette broyeuse médiatique qui a fait preuve de malhonnêteté intellectuelle et qui se lâche aujourd'hui une fois que plus rien n'est à craindre éléctoralement parlant. Plus rien? Il reste les législatives et ces messieurs vont avoir du mal à accueillir les candidats malheureux Le Pen et Dupont-Aignant en leur expliquant qu'ils avaient tord il y a 1 mois mais qu'aujourd'hui ils ont raison car tout aurait changé comme par magie. Comme ils ne reconnaîtront jamais qu'ils ont enfumé une partie du débat, ils emmèneront ces candidats sur d'autres terrains, plus glissants et moins intéréssants mais sur lesquels ils pourront à nouveau être décrédibilisés et diabolisés.

Car le système (financier et Européen j'entend) n'aime pas avoir tord, et même quand c'est le cas, il se doit de sauver ce qui peut l'être, quitte à effectuer une nouvelle pirouette.

Pour la postérité, le nouvel avis de François Lenglet, qui est assez stupéfiant. On croirait entendre parler Nicolas Dupont-Aignant:


Et sur BFM aussi on se rend compte un peu tard, et avec une naïveté touchante, qu'on est peut-être passé à côté du vrai sujet dans cette campagne:





jeudi 1 septembre 2011

Président Hollande

Après des débuts timides, on peut dire que la primaire Socialiste bat son plein en cette rentrée politique, quelques jours après la fin des Universités d'été de La Rochelle. Alors que des hommes comme Manuel Valls ou Arnaud Montebourg avaient décidé de rentrer très tôt dans la course à l'investiture, les sondages, encore eux, ne font guère de doute: Martine Aubry et François Hollande tiennent le pavé. S'il faut rester prudents en matière de sondages - en effet, les sondages expriment une opinion des Français alors que seuls les sympathisants de gauche seront amenés à se prononcer - il ne fait guère de doute que ces deux "éléphants" seront ceux qui disputeront le sprint final.

On peut regretter cet état de fait, Valls ou Montebourg ayant des qualités évidentes. Le premier a des positions très pragmatiques en matière de sécurité ou d'économie, qui tranchent avec le discours général du parti tandis que le second a eu un certain courage avec la révélation de l'affaire Guérini dans les Bouches du Rhône. Malgré les discours de bonne volonté, on a une fois de plus affaire à une lutte entre des ténors de l'appareil, et la prime à la jeunesse dont avait bénéficié Ségolène Royal semble loin à présent. Peut-être que son inexpérience sur certains points ou son aveu d'erreurs de programme après sa défaite en ont refroidi certains, toujours est-t-il que même elle ne semble plus en mesure de l'emporter aujourd'hui.

Le départ de DSK a redistribué les cartes. Si j'avais dû faire ce même papier il y a quelques mois, je l'aurais intitulé "Président DSK" et je n'aurais pas été très original tant l'affaire semblait entendue. Son départ a laissé un boulevard inattendu à François Hollande, qui n'est pourtant pas son fils spirituel, tant sur le plan humain qu'idéologique. Martine Aubry a donc décidé d'y aller, après avoir soufflé le chaud et le froid pendant de longues semaines.

Elle peine à cacher qu'elle n'aime pas ça. Une élection Présidentielle est avant tout médiatique. On peut le regretter mais c'est comme ça. Martine Aubry n'aime pas ça. Elle n'aime pas les interviews (elle y est même mal à l'aise) et fuit les studios de télévision dès qu'elle en a l'occasion. Depuis quelques jours elle a un petit regain de combativité et ses sorties sont très remarquées alors que François Hollande a décidé d'aller sur le terrain en ayant un agenda de rencontres avec les Français digne de celui d'un Président en exercice.

Il est souvent reproché à Hollande de n'avoir aucune expérience ministérielle, comme si on préférait quelqu'un avec une expérience, même peu probante, à quelqu'un qui a bien d'autres qualités à mettre en avant. Car des qualités, François Hollande en a, à commencer par sa normalité revendiquée justement. Et il est vrai que cela apaise. Entre tous les égos souvent démesurés de nos gouvernants, ou la personnalité mi figue mi raisin de Martine Aubry, François Hollande est indéniablement normal. Jamais un mot plus haut que l'autre, rarement déstabilisé, toujours un sourire, une petite blague, Hollande est passe-partout, on connaît tous un mec comme lui. C'est ce qu'on appelle un "bon Français", celui qui ne fait pas de vagues, avec qui on aime discuter et qui est loyal. Mais est-ce ça que l'on recherche? Nicolas Sarkozy aussi a été élu car il nous "ressemblait". Lui aussi était le Français type: celui qui sort un peu de ses gonds lorsqu'on le pousse à bout, celui qui a l'insulte facile, celui qui prend des décisions en fonction de son émotion du moment,...

Le handicap de Martine Aubry, c'est qu'elle n'est sans doute pas assez normale. Ou elle l'est mais ne le montre pas. Dans le fond, on ne la connaît pas vraiment car elle a décidé depuis toujours d'être discrète. Ce choix l'honore à une époque où il est de bon ton de présenter ses enfants à la une de Paris Match mais risque de la desservir sur le long terme. On a besoin de connaître, de s'identifier, d’apprécier ou détester, mais on veut connaître! 

Hollande rassure autant qu'Aubry terrorise. La Maire de Lille symbolise la gauche de la gauche, celle qui veut ouvrir les vannes de l'assistanat ou de la régularisation, celle qui défend les Roms mais adapte les horaires de ses piscines publiques pour des motifs religieux. Et puis elle restera à jamais la dame des 35 heures. Qu'on aime ou qu'on aime pas, cette question fait débat. Sans être DSK, François Hollande semble plus posé et réfléchi sur les questions sociétales et économiques, moins extrême, plus "social-démocrate" comme on dit. Il n'en reste pas moins que l'on peut légitimement se demander pourquoi il n'y a pas été plus tôt alors qu'il a été Premier Secrétaire du parti pendant de nombreuses années. Un Premier Secrétaire, ça s'impose aussi, et les primaires de 2006 n'avaient pas forcément lieu d'être. C'est peut-être fort de tout ça que François Hollande se lance aujourd'hui. Il a fait des concessions en 2007 pour ne pas revivre un "21 avril" mais il sent que la situation exige à présent qu'il se présente face aux Français.

La vérité, c'est que le candidat providentiel n'existe pas. DSK était ce candidat, mais il est définitivement disqualifié et ce n'est pas la relaxe New-Yorkaise qui y changera quelque chose, au contraire: trop de questions restent en suspens.

Même Nicolas Sarkozy n'est plus providentiel. Il va se présenter en pompier pyromane. Au centre Bayrou - et peut-être Borlooo - va tenter de faire figure d'homme de la situation, pendant que Marine Le Pen proposera ses solutions pour sortir de la crise, et surtout de l'Euro en fait. Je ne ferai pas insulte à Jean-Luc Mélenchon, ou aux Verts d'omettre leur participation, mais le mode de scrutin Présidentiel ne leur est pas favorable par nature et la course à l'Elysée se jouera entre ceux que j'ai nommé.

Dans ce contexte, je pense que François Hollande remportera les primaires assez nettement. J'ajoute même que face à une telle désespérance, face à une telle déception de l'action de Nicolas Sarkozy, il sera élu Président de la République au soir du 6 mai 2012. Mais après tout les pronostics sont faits pour être déjoués.

dimanche 21 août 2011

[Archive] Faut-il assassiner le candidat DSK?


Article publié à l'origine le 16/05/2011 sur Gamekult. Il est publié sous sa forme originale, la mise en forme n'est pas adaptée entièrement aux standards de ce blog.

Bien sûr je me dois de commencer ce papier avec toutes les précautions d'usage, bien sûr Dominique Strauss-Kahn n'est que présumé coupable, ou présumé innocent, c'est selon. Cependant je trouve que la façon de soumettre à distorsions cette présomption d'innocence, que ce soit rue de Solférino ou dans les médias est assez amusante. En effet le Parti Socialiste n'était pas aussi regardant quant à la présomption d'innocence lors de l'affaire Woerth-Bettancourt. Voilà que le PS brandit la loi en oubliant que c'est une affaire Américaine jugée aux Etats-Unis et que par conséquent les dispositions légales concernant cette présomption d'innocence ne s'appliquent pas. Il serait en outre difficile de brandir cette présomption à outrance quand on sait que le parcours de DSK a toujours été émaillé d'affaires légères liées à son appétit sexuel. En langage populaire on dit: il n'y a pas de fumée sans feu. Longtemps les frasques du Directeur du FMI nous ont amusées. On se sentait même fiers, fiers de voir un French lover transmettre notre image de "chauds lapins" dans le monde entier. On restait au niveau du mec sympa, un peu comme Chirac le franchouillard ou Borloo l'alcoolo comique. 

Ici une étape est franchie. Elle l'est avant tout par la gravité des accusations, mais également parce que l'armure du soldat DSK est fendue. En une petite semaine il a brisé deux tabous: celui de l'argent et du sexe. Certes la Porsche n'appartenait pas au Maire de Sarcelles, mais son train de vie était de plus en plus difficile à défendre face à des Français plombés par la crise. Après l'affaire des costumes défroissés sous la douche, des suites d'hôtel à 3000$, voici donc la tentative de viol et la séquestration. Une semaine où tout a basculé. DSK a réussi à cumuler les deux vices les plus inadmissibles des deux côtés de l'atlantique: l'argent roi en France et le scandale sexuel aux Etats-Unis. Plutôt que d'être pragmatiques, nos Socialistes tentent la pirouette complotiste, qui ne repose à vrai dire sur rien si ce n'est qu'on ne peut jamais se résoudre à accepter l'inacceptable. Une théorie du complot qui ne repose sur rien si ce n'est que l'info a été publiée en premier sur le Twitter d'un militant UMP. Ca prouve en tout cas que tous les journalistes ne sont pas de gauche, c'est rassurant quelque part. Blague à part, ce déni de réalité est assez pathétique étant donné la gravité de la situation. 

Le plus grave étant que les élites du PS parlent à présent de DSK comme d'une victime, alors que la victime présumée est la femme de chambre du Sofitel, il ne faudrait pas l'oublier. Depuis, les enquêteurs ont confirmé la version des faits de la victime (la vraie, vous suivez) et cette affaire part très mal pour DSK. Pas grave, on repart de plus belle au PS, choisissant à présent de tirer à boulets rouge sur la justice Américaine. Michèle Sabban s'offusque de voir son lieutenant avec des menottes. Doit-on lui rappeler qu'il s'agit là de la procédure désespérément banale du transfert d'une personne comparaissant devant un juge? Notre justice est-elle si mal en point que le fait de voir une personne menottée, à fortiori une personne connue, est intolérable? Nos politiques s'étonnent que décision ait été rendue de placer DSK en liberté. 

Halte à la mauvaise foi, on sait tous que le patron du FMI a les réseaux politiques et financiers qui lui permettent d'échapper à cette accusation. On sait également que la France ne pratique pas d'extradition vers les Etats-Unis, c'est malheureusement d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit d'accusations de nature sexuelle, Polanski ne me contredira pas. On regarde la justice US à travers notre prisme déformé. Ca n'en dit pas long sur la justice américaine, mais sur notre justice. Le procès Chirac est une parodie de justice, et on a encore tous en mémoire les simulacres d'accusation de Pasqua, Juppé et tous les autres. La justice a souvent du mal à exister pour le justiciable de base, mais alors pour les élites c'est carrément de la démence. 

Voir un accusé politique sans le sourire en France tient de la science-fiction, alors avec des menottes pensez-vous. Oui DSK doit être traité comme n'importe quel accusé, ni plus ni moins. Oui il présente des risques élevés de se soustraire à la justice. J'ai appris en lisant un journal US que celui-ci avait demandé un traitement particulier. Au nom de quoi? Cela nous confirme ou nous apprends que nos élites, de gauche ou de droite, sont définitivement déconnectées des réalités. Est-ce blâmable? Après tout, face à son destin, chacun essaierait de faire jouer ce qu'il peut. Non, ce qui est blâmable, c'est de prétendre représenter les classes populaires. C'est blâmable et insultant. Et le PS aurait tord d'essayer de se désolidariser car en le soutenant ils participent à cette image. 

Personne à gauche, pas plus qu'à droite, n'apparaît être en phase avec les aspirations des Français aujourd'hui. Ce n'est pas la campagne présidentielle qui est puante, mais notre classe politique. Le procès de DSK c'est avant tout notre procès à tous, le procès de notre société, et par là-même une leçon de démocratie, nous qui sommes tant habitués au népotisme, particulièrement depuis l'ère Sarkozy. Quelle que soit l'issue de cette longue procédure, le sort de Dominique Strauss-Kahn semble scellé. S'il semble prématuré de dire que sa carrière politique est finie, sa course à la présidentielle l'est. Même s'il était blanchi dans une semaine le mal serait fait. Il a accumulé les maladresses et les Français le jugeront sévèrement. 

Il est la preuve vivante qu'à gauche non plus on n'est pas garants de la morale. Entre les affaires à droite comme les cigares aux frais du contribuable, l'EPAD, Woerth, Alliot-Marie et l'affaire Guérini et DSK à présent à gauche, je vois d'ici qui en ressort gagnant. Car ne soyons pas dupes: si l'UMP semble dans la retenue jusqu'à présent, c'est surtout parce qu'elle sait qu'elle n'a pas à pavoiser avec toutes les affaires qu'elle traîne, et que d'autres pourraient être déterrées. Dès lors, le tous pourris de Marine Le Pen prend un nouveau sens. Qui pourrait encore prétendre le contraire aujourd'hui? Bien sûr chaque homme ou femme politique, individuellement, n'a pas forcément une casserole qui traîne, mais le discrédit est jeté sur l'ensemble. Et si ce discours trouvait un écho? 

Après tout Marine Le Pen n'est pas accusée de viol, elle n'a pas détourné de l'argent public. Un paradoxe qu'à cette heure grave le diable d'hier se drape dans les habits de la vertu. Et si tout l'échiquier politique était bouleversé? Et si les cartes étaient redistribuées? Pour répondre à la question de départ: faut-il assassiner le candidat DSK? Je pense que ce ne sera pas la peine, celui-ci a commis le suicide. Un geste noble dans beaucoup de cultures, mais qui est considéré comme lâche chez nous. Quelque part DSK est libéré: il a cessé de lutter contre lui-même, contre ses pulsions. Il peut enfin s'assumer, entre la Porsche et son attirance immodérée pour les femmes. Mais à quel prix!

[Archive] La présomption d'informer


Article publié à l'origine le 17/05/2011 sur Gamekult. Il est publié sous sa forme originale, la mise en forme n'est pas adaptée entièrement aux standards de ce blog.

L'affaire DSK comme il convient de l'appeler prend des chemins assez retors, mais est-ce si étonnant après tout? Je n'ai une nouvelle fois pas envie de commenter le fond de l'accusation, car je ne suis ni juge ni jury et à l'heure actuelle nous ne possédons pas assez d'éléments nous permettant d'avoir un débat apaisé. Mais en laissant DSK de côté je m'étonne quand même une nouvelle fois du traitement de l'information par nos chers médias. Nous savions, selon la formule consacrée, que nous avions la gauche la plus bête du monde, mais j'apprends que nous avons également les journalistes les plus bêtes du monde. Je choisis ce terme pour éviter de parler de malhonnêteté ou de complaisance, car après tout on a plus de chances en France de voir un procès en diffamation qu'un procès de politique. 

Passées ces considérations sémantiques, et comme je m'en étonnais hier, je trouve déplorable que personne ne parle de la victime présumée, cette femme de chambre noire dont je n'ose imaginer une seule seconde que son statut racial ou social la rende insignifiante. Ce n'est pas très "de gauche" mais que reste-t-il de la gauche après tout? A longueur de une, on n'a de cesse de défendre coûte que coûte le soldat DSK, victime d'un complot mondial dont seuls les médias Français seraient au courant, mais dont ils seraient incapables d'apporter le début d'une preuve. Pendant ce temps la justice trouve des traces de griffes sur le torse de DSK, et trouve des témoignages corroborant la version de l'accusation. Soit. Les Américains sont anti-Français après tout. Voilà qui justifie tout. 

A présent, les avocats Français de DSK se réservent le droit de porter plainte pour non respect de la présomption d'innocence. Mais au nom de quoi? Ou j'ai de mauvais yeux ou c'est au contraire la présomption d'innocence qui dégouline de tous les journaux qui passent entre mes mains. Là où le bât blesse apparemment c'est que les médias véhiculent les images d'un DSK entravé. Je dis bien entravé car toujours de mémoire je ne me souviens pas avoir vu le début du reflet d'une paire de menottes. Et quand bien même? Le fait de voir une personne appréhendée menottée relève de l'information. Au nom de quoi devrions-nous censurer ces images? 

Si DSK est finalement acquitté ou relaxé ce ne sont pas ces images qui l'empêcheront de faire un retour triomphal. N'est-ce pas José Bové qui avait posé triomphalement menottes aux poignets il y a quelques années? Le CSA n'y a rien trouvé à redire mais aujourd'hui celui-ci met en garde. En garde de quoi? En garde d'informer? Le CSA aurait-il oublié que nous sommes à l'ère de la mondialisation de l'information? L'info circule partout et tout le temps, en flot continu. Si ces images existent et que les médias ne les diffusent pas, on les accusera, et à juste titre, de censure. Par ailleurs je trouve cela assez pathétique de la jouer vierge effarouchée alors que la vue d'un petit délinquant arrêté manu militari par la police n'a jamais choqué personne. Pourtant ce petit délinquant est également présumé innocent. Deux poids deux mesures? Il s'agirait de respect pour les familles. 

Et le respect pour la famille de l'employée du Sofitel, qui en a quelque chose à foutre depuis le départ? Nous est-il passé par la tête une seule seconde qu'il soit possible qu'elle soit réellement la victime? Je vais même aller plus loin: où est le CSA, où est la gauche et où sont les médias quand des images de cadavres sont diffusées au 20 heures lors d'un reportage sur le Liban, l'Afghanistan, la Palestine ou l'Irak? Les familles de ces civils charcutés n'ont pas droit au même respect sous prétexte qu'ils ne sont pas puissants ou patrons du FMI? 

J'en viens enfin à ce post lu sur Lemonde.fr. Mais de quel droit Madame Lesnes pense-t-elle parler au nom du peuple Français? De quel droit pense-t-elle bien faire son travail de journaliste d'ailleurs? Il est loin le temps où, du haut de mes quinze ans, j'achetais Le Monde de Colombani et Beuve-Mery et le lisais en cachette car cela faisait "intello" ou "prétentieux" alors que je m'intéressais juste au monde qui m'entourais. Certains médias profitent de cette affaire pour une nouvelle fois donner des leçons. Mais quelles leçons pouvons-nous bien donner, nous qui couvrons toutes les affaires politiques depuis trente ans, nous qui nommons ministre un pédophile assumé et nous qui refusons d'extrader un autre pédophile qui heureusement pour lui, est un grand cinéaste. 

Les extraditions de Français lambda ne souffrent par contre d'aucune retenue. Les médias se sont montrés, et se montrent complaisants avec ce qu'il convient d'appeler la caste. Cela m'arrache la langue de devoir dire ça, mais une nouvelle fois Marine Le Pen prend tout le monde de court en brisant la loi du silence et en disant que tout cela se savait. Même si je ne suis pas dupe sur ses motivations, le fait est en tout cas qu'elle a une nouvelle fois pris le contre pied de nos élites. A force de lui laisser ce terrain-là aussi, nos politiques et nos médias auront bien du mal à nous refaire des unes feignant l'étonnement d'un 21 - ou 22 - avril. 

Même si les choses ne sont pas dites ainsi, on est à deux doigts de lire que la femme de ménage l'a aguiché, qu'elle était habillée de façon provocante et qu'elle n'a eu que ce qu'elle méritait. C'est malheureusement notre conception de la justice, et cette fois-ci c'est la même pour tous. On a cette culture du bad boy, du mec un peu fourbe, un peu voyou. Quand deux jeunes détalent devant un contrôle policier et décèdent dans un transformateur électrique, événement tragique s'il en est, on se lamente sur les familles des deux jeunes et pas une seule seconde sur les policiers qui doivent sans doute également difficilement vivre avec ça. Quand un policier en civil abat un supporter du PSG pour protéger un autre homme, retranchés dans un fast food, pas une seule seconde on ne fait cas de l'homme qui était poursuivi par cette horde de supporters sur le seul motif de son origine ethnique. 

Cette culture du déni apparaît à son paroxysme aujourd'hui et ne m'inspire plus guère aucune confiance en notre justice, en notre classe politique et en nos médias à présent. Je me demande par quelle pirouette nos médias présenteront les faits si, et je ne le souhaite pas, DSK est reconnu coupable? En attendant, les donneurs de leçon et les gardiens de la morale à sens unique peuvent continuer à s'en donner à coeur joie.

[Archive] Le 21 avril à l'envers


Article publié à l'origine le 30/05/2011 sur Gamekult. Il est publié sous sa forme originale, la mise en forme n'est pas adaptée entièrement aux standards de ce blog.



A moins d'un an du premier tour de l'élection présidentielle, il commence à fleurir de plus en plus des articles mettant en garde sur la possibilité - ou probabilité pour certains - d'un 21 avril à l'envers. Même Jean-François Copé y va de sa petite musique pour tenter de dissuader Jean-Louis Borloo de présenter une candidature "centriste", au nom de l'unité de la majorité peut-on lire. 

Mais qu'est-ce vraiment que le 21 avril à l'envers? D'abord il s'agira du 22 avril 2012, le calendrier électoral ayant ainsi été fait. Ce terme désigne en fait l'absence d'un candidat PS ou UMP au second tour de l'élection présidentielle. Il est dit à l'endroit dans le cas de la disqualification du PS et à l'envers dans le cas du candidat UMP. Bien évidemment, il est fait référence au 21 avril 2002 où Lionel Jospin avait été mis hors jeu par Jean-Marie Le Pen. Un séisme politique. 

A titre personnel, je pense que c'est moins une performance de Jean-Marie Le Pen - qui était dans ses scores historiques - qu'une division de la gauche. Mais soit. Dès lors, il semblerait que ce terme du 21 avril à l'envers désigne non seulement la non qualification de l'un des deux partis majoritaires, mais également l'accession du Front National au second tour de l'élection présidentielle. Dès lors, est-ce qu'on peut parler de "21 avril" lors du premier tour de 1981 alors que Valery Giscard d'Estaing disqualifiait Jacques Chirac pour se retrouver face à François Mitterand? Un séisme politique, non? Est-ce qu'on aurait parlé de 21 avril si François Bayrou était arrivé au second tour de l'élection présidentielle de 2007? Est-ce que le 21 avril à l'envers, ce danger pour la démocratie, est donc la disqualification de l'un des deux partis majoritaires? Si tel est le cas, la sémantique est grave. 

On considère donc que le PS et l'UMP sont les deux seuls partis aptes à gouverner, les deux seuls partis qui ont le droit de se partager le pouvoir selon une alternance mal définie. Dès que l'un des deux partis dominants - et par la voix médiatique et par les moyens financiers - est en position fragile, on invoque ce rassemblement républicain pour faire rentrer toutes les voix dissonantes dans le rang. Malgré nos beaux discours, on rêve d'un système à l'Américaine, où seuls les Républicains et Démocrates ont le droit de cité. Considérer qu'il ne peut y avoir personne d'autre que le PS ou l'UMP au second tour est un grave déni de démocratie pour ma part. Le crier haut et fort est encore plus insoutenable, cela donne l'impression d'une certaine légitimité du discours, et une impunité des actes. Pourtant, après plus de trente ans d'alternance (en omettant l'exception VGE), nous serions fondés à remettre en cause cette alternance qui n'en est pas une, à vouloir tenter autre chose. 

Les événements de ces dernières semaines et dernières années nous prouve un peu plus que gauche et droite, ou PS et UMP plutôt, c'est souvent pareil. Les mêmes cercles de pouvoir, les mêmes libertés avec l'argent du contribuable, et souvent les mêmes délits. Alors qui pour un second tour inédit? Marine Le Pen? Selon les sondages ça semble probable, mais il ne faut pas trop vite enterrer François Bayrou, qui pourrait reprendre une place au centre laissée vacante par la mise hors jeu de DSK et par les hésitations de Borloo, Morin et Villepin qui se découvrent subitement une fibre centriste. Il sera amusant d'observer l'attitude du candidat de droite, si d'aventure c'était lui qui était éjecté du second tour. 

En 1981, Jacques Chirac avait refusé d'appeler à voter pour Valery Giscard d'Estaing, et se prononçait même pour François Mitterand à titre personnel. Si François Hollande se retrouvait face à Marine Le Pen, pour qui Sarkozy appellerait-il à voter? Probablement pour aucun, même s'il souhaiterait secrètement la victoire de Hollande. Une Marine Le Pen accédant au second tour sur les cendres de ses échecs sécuritaires serait pour lui un cauchemar et une humiliation. Délectable pour certains. Un match François Hollande/François Bayrou serait sûrement tout aussi problématique. En fait Nicolas Sarkozy n'envisage de voter pour personne d'autre que lui. Mais est-ce que ce risque concerne forcément l'UMP? Rien n'est moins sûr car la gauche privée de DSK va sûrement se déchirer à quelques semaines de ses primaires. 

La place laissée vide par le candidat déchu du FMI attise toutes les convoitises. Nous pourrions alors nous retrouver dans le cas de figure chaotique d'un duel Sarkozy/Le Pen. Il y a cinq ans, l'issue du match n'aurait fait aucun doute, mais aujourd'hui, à l'heure où les politiques dégoûtent l'opinion publique, à l'heure où Nicolas Sarkozy cristallise sur lui un rejet viscéral, un symbole de destruction de la cohésion nationale, pouvons-nous être certains de l'issue? Pour ces raisons, faut-il souhaiter que chacun rentre dans le rang et que nous retrouvions à l'arrivée notre sempiternel match UMP/PS? A titre personnel je ne le souhaite pas. Je prends l'heureux risque d'avoir un 21 avril à l'envers, car un 21 avril à l'envers serait une victoire démocratique, une victoire contre certains médias qui nous disent déjà pour qui voter et qui désignent les candidats. 

Dans cette période trouble, du sang neuf ne pourra faire que du bien, et au diable la diabolisation de Marine Le Pen. Si elle représente un danger pour la démocratie, interdisons le Front National. Si elle dérape, faisons-lui un procès. En l'état, c'est un parti républicain, financé par la République et qui a donc sa place sur l'échiquier. Que chacun sorte ses arguments, et que l'on retrouve quelqu'un qui a quelque chose à proposer au second tour, que ce soit Madame Le Pen, Monsieur Bayrou ou même Monsieur Mélenchon, soyons fous.

[Archive] La fin de l'angélisme?

Article publié à l'origine le 03/06/2011 sur Gamekult. Il est publié sous sa forme originale, la mise en forme n'est pas adaptée entièrement aux standards de ce blog.



Je revois Lionel Jospin à la suite du 21 avril 2002, dire qu'il a pêché par naïveté, qu'il pensait qu'en réglant les problèmes sociaux il réglerait de facto les problèmes d'insécurité. Cette idéologie de gauche, qui veut que la condition sociale explique, et souvent excuse, ce que l'on appelle pudiquement les incivilités était en train de voler en éclats. Presque dix ans après, qu'est-ce qui a vraiment changé? 


Il semblerait que le thème de l'insécurité soit malheureusement une nouvelle fois au centre de la campagne présidentielle, et je dis bien malheureusement car une société moderne et dite démocratique ne devrait pas avoir à placer de tels débats sur la plus haute marche du podium. Nous devrions êtres à fond dans la lutte contre le chômage, l'avenir de l'enseignement et de la recherche, les énergies alternatives, etc. Alors pourquoi est-ce qu'au jour d'aujourd'hui nous en sommes là? Pourquoi le Maire de Sevran évoque-t-il, à raison, l'envoi de casques bleus dans sa ville? Une ville où les règlements de comptes à la Kalachnikov sont quotidiens a-t-elle besoin de maintien de la paix? Est-ils logique que nous défendions la liberté de personnes en Côte d'Ivoire ou en Afghanistan mais que nous laissions nos propres concitoyens livrés à eux-mêmes? 

Si je n'ai pas envie de relancer le débat de la présence de l'armée dans nos banlieues, parce qu'on en est plus là, force est de constater que l'idée a fait son chemin, aussi bien par l'extrême-droite que par la droite en passant par Ségolène Royal. Plutôt que de parler de solutions, car ce n'est pas mon rôle, mais celui des candidats qui font un tour de piste pour nous convaincre en vue de 2012, je peux toujours évoquer les causes, ou plutôt les non-causes. Il n'est pas très loin le temps ou Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, proposait de passer toutes ces zones de non-droit au Karsher. Le début d'une longue campagne de communication et de gesticulation puisque dix ans après non seulement rien n'a changé, mais tout a empiré. 

Nous commentons avec ironie la situation du Brésil dont les favelas sont gangrénées par les guerres de gangs et les interventions musclées des forces de l'ordre, mais comment décrire ce qui se passe en France? Les règlements de comptes incessants à Marseille, les fusillades aux abords des écoles, les guerres de territoires, ah il est loin le temps où Claude Guéant rêvait de patrouilles de deux CRS. Aujourd'hui leurs syndicats réclament au minimum des équipes de trente hommes. Oui, là où dans n'importe quel autre pays du monde la police est respectée ou tout du moins crainte, ici nous devons envoyer de véritables bataillons pour tenter de minimiser au maximum les blessés côté police. Nos forces de l'ordre sont complètement désarmées au sens propre comme au sens figuré. Comment pourrait-il en être autrement alors que la simple "bavure" - comprenez par là un accident de la route alors que les forces de l'ordre poursuivent des jeunes sans permis sur des motos non homologuées - se traduit par des émeutes et mise en examens des fonctionnaires. 

Comment pourrait-il en être autrement alors que le simple fait d'approcher leur main de leur arme leur vaut de devoir remplir trois rapports en double exemplaire. Comment pourrait-il en être autrement alors que la justice les remet en liberté après vingt-quatre heures? Pour faire simple, tout est évaluation des risques. Comme dans tout, on compare ce que l'on risque à ce que l'on gagne. Risquer quelques mois derrière les barreaux n'est rien du tout comparé aux centaines de milliers d'Euros que rapporte le juteux trafic de drogue. La seine Saint Denis recense officiellement 350 Ferrari, très bizarre pour un département sinistré mais qui dispose aussi paradoxalement d'énormément subventions de l'état. Pas si paradoxal que ça étant donné la couverture médiatique. Car là est l'autre injustice: la Seine Saint Denis est bien plus aidée que la plupart des autres départements/villes de province. Et pourtant les autres départements ne peuvent se targuer d'un tel nombre de Ferrari au mètre carré. Pire, les autres départements n'ont pas les mêmes chiffres de délinquance. Et là toute la théorie de causalité entre pauvreté et délinquance vole en éclats. 


Cette théorie est d'ailleurs d'une malhonnêteté intellectuelle crasse. Toute la vie consciente humaine n'est, d'après les théoriciens boboïstes, que le reflet des structures socio-économiques, les seules responsables du comportement humain. Les violences dont se plaint la société ne sont pas de la responsabilité des auteurs visibles, victimes injustes, selon ces théoriciens, mais de celle de la société injuste. Tant que cette société ne fournira pas un niveau de vie qui produit automatiquement, mécaniquement - comme le miroir produit un reflet, un comportement bourgeois, "civilisé" ou prétendu tel - elle sera responsable des violences dont elle se plaint à tort en rejetant la faute sur les auteurs de telles violences. Ce discours "scientifique", profond, qui prétend nous dévoiler les mécanismes profonds, inconscients de notre être et qui prétend aller à la source des choses, n'entre pas dans les oreilles des sourds quand il est distribué par des intellos qui tiennent le haut du pavé parisien. 

Les jeunes de banlieues comme on dit, même s'ils n'ont pas terminé leur cursus scolaire, ont bien assimilé le message qui les déresponsabilise d'avance de leurs actes. Ils ont compris qu'ils ont des défenseurs, des avocats qui leur assure une impunité presque totale. Le seul ennui c'est que ces théoriciens qui jouent à la générosité ne fixent pas un niveau chiffré du revenu à partir duquel l'homme, pur reflet des structures économiques, s'abstiendrait des incivilités, des délits, des crimes etc. Mais le jour même où ils auraient le courage de nous dire le fond de leur pensée, ils auraient encore à nous expliquer pourquoi un DSK qui ne manque pas de niveau de vie se serait comporté d'une manière si édifiante, et pourquoi tant de criminels se trouvent dans les rangs de ceux qui, selon le dogme marxiste, auraient dû se conduire comme des saints, d'après leur niveau socio-humano-économique. 

Christian Blanc, Eric Woerth, Michèle Alliot-Marie, Georges Tron, voilà des hommes et des femmes qui n'étaient pas dans le besoin. Dommage pour cette théorie. En disant cela on est accusé de faire le jeu des extrêmes. Je pense qu'en ne le disant pas on le fait davantage. D'ailleurs si les extrêmes disent que le ciel est bleu et que je dis pareil, je fais aussi le jeu des extrêmes. Sauf que le ciel est vraiment bleu et que ce serait malhonnête intellectuellement de dire le contraire. On peut aussi choisir de tous se mettre autour d'une table et décider que notre système intégrationniste est en panne, cela n'a rien de honteux. On peut considérer qu'à partir d'un certain moment, brasser de force des cultures qui n'ont rien de commun peut poser certains problèmes et qu'apporter des réponses adaptées sera salutaire pour tous, en premier lieu pour ces gens. 


Car à Sevran, il y a aussi en première ligne bon nombre de citoyens de toutes confessions qui ne demandent qu'à vivre paisiblement, dont les enfants aspirent à aller à l'école sans risquer de se prendre une balle perdue. Plus vite on aura passé ce cap, plus vite on pourra se concentrer sur les réels problèmes, économiques entre autres. Les zones de non-droit ne doivent plus subsister, ne doivent plus être excusées. Oui il y a des délinquants, et non ce n'est pas forcément parce qu'ils sont au chômage. C'est à se demander si cette situation de cocote minute permanente n'arrange pas le pouvoir en place, trop heureux de pouvoir ressortir son discours sécuritaire dans quelques mois. Le fait est que les discours ne suffisent plus, il faut des actes. Mais qui aura le courage de les prendre, et surtout: est-ce que l'angélisme a bel et bien disparu? Rien n'est moins sûr.

[Archive] L'imposture intellectuelle

Article publié à l'origine le 19/06/2011 sur Gamekult. Il est publié sous sa forme originale, la mise en forme n'est pas adaptée entièrement aux standards de ce blog.



En regardant la pitoyable prestation de Nathalie Kosciusko-Morizet hier soir dans l'émission de Laurent Ruquier, plusieurs sentiments se sont emparés de moi. Tout d'abord que l'on est pas prêts de revoir de tels échanges à la télévision l'année prochaine. En effet, Sarkozy ayant eu la peau d'Eric Zemmour et Eric Naulleau, qui sont ce qu'ils sont, la contradiction frontale et souvent intéressante n'est pas prête de subsister. J'en veux pour preuve le livre qu'est venu défendre NKM chez Ruquier, Le Front Antinational, un pamphlet censé nous expliquer pourquoi voter pour le Front National est au mieux une connerie, au pire une abomination. Dans tous ses autres passages télévisés, aucune contradiction ne lui a été opposée, elle a pu vendre sa lessive comme n'importe quel candidat de téléréalité sortant sa nouvelle merde musicale. 

Mon second sentiment, lié au premier, a été un profond malaise devant l'incompétence chronique de nos ministres. Je trouvais déjà que Nadine Morano représentait le degré zéro de la politique, avec une intelligence plus proche de la raie manta que d'un politique digne de ce nom. Qu'une prétendue Polytechnicienne sorte autant de contre-vérités, d'approximations et peine à tenir ses arguments plus de trois secondes est assez effrayant en effet. Je reviendrai sur le fond un peu plus loin, mais sur la forme elle est excessivement fragile, pur produit d'une époque où les ministres ne sont plus des hommes ou femmes politiques, mais des vitrines communicantes, rodées pour débiter inlassablement des éléments de langage et sans être formés au débat puisque le débat n'a pratiquement plus droit de cité à la télévision Française. Mon dernier sentiment, enfin, vient de son livre en lui-même. Si je doute fortement qu'elle l'ait écrit - ça ressemble davantage à une commande déguisée de l'Elysée histoire de ratisser à la gauche de l'UMP pendant que Guéant ratisse à droite - il n'en est pas moins bourré de contres-vérités et de lieux communs des plus affligeants. Je me retrouve une nouvelle fois à "défendre" le FN en apparence, mais en fait c'est plus l'inconsistance de sa charge que j'attaque, son livre n'étant que la suite logique de sa fragilité politique. Si Eric Zemmour a pour une fois assez bien démonté ses arguments, bien aidé par Eric Naulleau - pourtant de gauche, comme quoi son livre est une abomination qui n'a pas besoin par être attaqué exclusivement par des sympathisants de droite - je souhaiterais revenir sur quelques points. La sortie de l'Euro. C'est le point central.

Personnellement je n'ai pas encore d'avis sur la question. Comme beaucoup, j'ai une nostalgie pour le Franc, nostalgie qui va de paire avec une certaine idée de la France à cette époque, à une vie qui semblait pas chère, etc. La crise est passée par là depuis. Je m'étonne en premier lieu de l'argument choc de NKM qui nous prédit l'apocalypse à coup de "inflation" et "dévaluation", seuls deux mots qu'elle semble maîtriser pour se donner un semblant de consistance. L'Euro a dix ans et représente une goutte d'eau dans l'histoire économique de la France mais également de l'Europe, tant physique qu'économique. Comment pouvoir annoncer la bouche en coeur, récitant les éléments de langage Européistes, que l'on ne pourrait défaire une parenthèse de dix ans à peine sans que le monde ne s'ouvre soudain sous nos pieds? Le meilleur est atteint quand elle dit que si nous revenions en arrière nous payerions notre baguette de pain non plus trois francs, mais six ou dix francs. A ce moment-là elle explose en plein vol en révélant l'immense escroquerie qu'a été l'Euro. Zemmour a d'ailleurs été copieusement applaudi à ce moment précis, chose assez rare dans l'émission, les applaudissements "de commande" allant plutôt dans l'autre sens d'habitude. Pour rentrer un peu plus dans les considérations économiques, elle fait des raccourcis assez simplistes puisque la dévaluation est l'outil qui permet depuis toujours de sortir la tête de l'eau lorsque la pression de la dette devient trop pesante, à l'image de l'Argentine récemment. Apparemment elle oublie un pan entier de l'histoire économique. Elle parle également des niveaux stratosphériques des prix des logements, mais encore une fois si elle avait une quelconque compétence en la matière ou tout simplement un agent immobilier dans son entourage, elle saurait que ceux-ci sont la conséquence directe des taux qui sont beaucoup trop bas! De tels taux poussent les acquéreurs à s'endetter toujours plus, non plus sur 10 ans, mais sur 20 ou 30 ans. 

Et comme il y a pénurie de logements - donc une forte concurrence à l'achat - ça entraîne mécaniquement une forte hausse des prix, car tous les acheteurs concurrents sont simultanément solvabilisés. Les acquéreurs sont les grands perdants. Lorsque les taux remontent, les acheteurs ne peuvent plus suivre. Les vendeurs sont alors obligés de revoir leurs prétentions à la baisse, et ça fait baisser les prix. Une logique pourtant assimilable par un simple citoyen comme moi mais qui semble totalement échapper à une ministre de la République. J'allais continuer avec d'autres exemples similaires en me rendant compte dans mes recherches que de nombreux économistes eux-mêmes remettaient en cause le bien fondé de l'Euro: Paul Krugman, Maurice Allais (tous deux prix Nobel), François Asselineau,... Madame Kosciusko-Morizet se ridiculise donc dès le départ, masquant même sa gêne derrière une tonne de tics et de rictus qui n'ont rien à faire sur le visage d'une haute personnalité qui se devrait de maîtriser totalement son sujet. Mais le peut-on vraiment lorsqu'on n'a pas de conviction et que l'on se contente d'apprendre son texte quelques minutes avant de quitter les coulisses? Vient ensuite la critique sur le lien de parenté entre Marine Le Pen et son père. Ils font tous les deux de la politique, la belle affaire. Les bras m'en sont tombés sur cet "argument". A ce ryhtme, Martine Aubry-Delors devrait disparaître des radars. Pire encore, le cas des Kosciusko-Morizet, puisqu'après une rapide recherche sur Wikipédia:

Nathalie Kosciusko-Morizet est issue d'une vieille famille politique française, elle-même issue de la noblesse polonaise, les Kosciusko-Morizet. Elle parle d'ailleurs le polonais. Son arrière-grand-père, Charles Kosciusko, était le descendant direct de Józef Tomasz Kościuszko (1743-1789), frère aîné du patriote polonais Tadeusz Kościuszko1. 
François Kosciusko-Morizet (au centre de la photo) Elle est la fille du maire de Sèvres, François Kosciusko-Morizet, et de Bénédicte Treuille, enseignante. Elle est également la petite-fille de Jacques Kosciusko-Morizet, résistant gaulliste et ambassadeur de France, et l'arrière-petite-fille d'André Morizet, sénateur-maire communiste, puis SFIO de Boulogne-Billancourt.
Un peu gonflé effectivement. Comme le rappelait Zemmour, elle a été élue par les adhérents face à Bruno Gollnisch. Je suis persuadé que si l'UMP jouait le même exercice, Nicolas Sarkozy ne serait pas désigné comme candidat de l'UMP pour 2012. Quelques lieux communs plus loin, elle en arrive à la préférence Nationale, obscur concept qu'elle semble avoir parfaitement assimilé puisqu'elle en profite pour annoncer que la population Portugaise de France n'a plus qu'à faire ses valises. Ici aussi la mauvaise foi ou la tentative d'escroquerie est de mise puisque quelques clics permettent de se rendre compte que la préférence Nationale concerne... les Français. A priori c'est une mesure qui se veut égalitaire puisque dans ce concept la nationalité Française masque l'origine. La préférence aux Français est donc la préférence à la nationalité indépendamment de son origine. On peut être en désaccord avec ce concept, mais en l'état on est loin des chars sur les Champs Elysées, bon nombre de pays parfaitement démocratiques appliquant d'ailleurs ce concept. 

J'ai d'ailleurs été très amusé lorsque Eric Zemmour a voulu lui lire les positions du RPR en la matière dans les années 1980, années où la jeune militante de 20 ans s'est engagée auprès de la droite. Pour rappel: 

A la fin de l'année 1984, le Conseil de Paris a modifié les conditions d'attributions d'un certain nombre de prestations sociales facultatives distribuées par le Bureau d'aide sociale de la ville. Par délibération n°1984-1909 du 26 novembre 1984 (Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, délibérations, p.939), le Conseil de Paris adoptait ainsi le principe d'une allocation de congé parental d'éducation, l'article 5 de la délibération précisant que " le bénéfice de l'allocation de congé parental d'éducation est réservé aux parents de nationalité française.
Toutefois, si l'un des conjoints seulement est de nationalité française, l'allocation sera accordée si les trois enfants sont nés en France. Le conjoint étranger devra posséder la carte de résident ou un titre équivalent".
Le Maire de Paris et le groupe parlementaire RPR à l'Assemblée nationale (dont, pour mémoire, Jacques Chirac, Michèle Alliot-Marie, Roselyne Bachelot, Edouard Balladur, Michel Barnier, Jean-Louis Debré, Bernard Debré, Nicolas Sarkozy, Jean Tibéri, François Fillon, etc.) déposera une proposition de loi visant à valider le dispositif de préférence nationale instauré par la ville (Proposition de loi de Jean-Louis Masson, RPR, du 11 avril 1990) :

Article 1er :
Dans le cadre de leur politique d'action sociale, les collectivités
territoriales ont la faculté de créer des prestations complémentaires d'aide
sociale.

Article 2 :
Les collectivités territoriales définissent librement les conditions d'
attribution des prestations visées à l'article premier : ces conditions
peuvent être notamment relatives à la durée de résidence des bénéficiaires
éventuels sur le territoire de la collectivité intéressée, au montant de
leurs ressources ou à leur nationalité.
La teneur de la proposition de loi se passe de commentaires. Le texte fut
rejeté par la gauche, alors majoritaire.

Et une petite louche supplémentaire avec Edouard Balladur: 



Invité du Grand jury RTL-le Monde, le 14 juin 1998, Edouard Balladur aplaidé pour la constitution d'une commission chargée d'étudier la
"préférence nationale", incluant des personnalités représentatives du Front
national. Tout en ayant soin de présenter cette idée comme une méthode pour"éclairer l'opinion publique" et pour clore un dossier récurrent, l'ancienPremier ministre a posé la problématique en ces termes : "est-il normal ouanormal, légitime ou contraire aux principes républicains traditionnels deréserver certaines prestations aux nationaux et de les refuser -pour unedurée, d'ailleurs à déterminer- aux résidents étrangers ?"...Dans son ouvrage "Douze lettres aux Français trop tranquilles" (Fayard éd.,1990), Edouard Balladur fournissait sa réponse à sa question : "Il me semblequ'il serait légitime de distinguer, parmi ces dernières [les prestationssociales], celles correspondant à des cotisations payées, selon le systèmede l'assurance, de celles correspondant à la mise en oeuvre par l'Etat oules collectivités locales d'une solidarité nationale. Aux premières, tousceux qui travaillent et paient des cotisations doivent avoir droit ; lessecondes, en revanche, pourraient, dans certains cas et sous certainesconditions, être réservées aux nationaux. Il faudrait en outre renforcer lesmoyens financiers de notre politique familiale, développer les garanties etles aides publiques en faveur des femmes qui ayant eu des enfants,souhaitent reprendre l'exercice d'une profession, et réserver le bénéfice detoutes celles ne consistant pas en allocations familiales -dont lacontrepartie est le versement de cotisations- aux Français comme auxnationaux des autres pays de la Communauté...
Nathalie Kosciusko-Morizet semble donc avoir la mémoire sélective et ne pas se souvenir d'où vient son parti et occulte même totalement la présence de personnages tels que Claude Guéant, Brice Hortefeux, Eric Ciotti ou Christian Vanneste, pour ne citer que ceux-là. Comme l'a dit Eric Naulleau, ce livre semble avoir été écrit par un socialiste nourri au sein d'SOS Racisme et débitant des lieux communs qui ne font plus mouche en 2011 à l'heure où les classes moyennes dites de gauche se ruent en masse vers le FN. On peut considérer que plutôt que d'agiter sans cesse les mêmes épouvantails éculés on ferait mieux de répondre au FN comme avec n'importe quel autre parti politique: avec des arguments. Malheureusement avec ce livre Marnine Le Pen peut dormir tranquille car que ce soit sur l'Europe, l'immigration ou les autres sujets, NKM n'a fait qu'étaler sa bêtise sans fournir un seul instant le début d'une réponse probante. Elle peut néanmoins se rassurer: dès la rentrée elle n'aura plus à passer par cet exercice effroyable qu'est le débat puisque la TV aseptisée va pouvoir retrouver ses Audrey Pulvar et Alain Duhamel qui ne manqueront pas de faire ce qu'ils font de mieux: passer les plats.
Heureusement il restera un peu de contradiction, mais celle-ci n'ira que dans le sens de la bien bienpensance du moment: les Caroline Fourest et autres intellectuels du dimanche pourront continuer à nous abreuver de leur indignation sélective, celle qui va dans le sens du vent et qui critique en apparence le pouvoir mais pas trop non plus car de nos jours critiquer le pouvoir est un peu critiquer l'opposition aussi. Merci en tout cas Laurent Ruquier, un grand moment de télévision, par contre je ne te remercie pas de t'être incliné (si je puis dire) de la sorte devant les désidérata de Rémy Pflimlin, Président de FTV. Quitter ton émission avec les deux Eric aurait eu plus de panache. Pour la petite histoire d'ailleurs, virer le journaliste de droite mais également celui de gauche montre bien que ces deux partis marchent main dans la main et qu'au delà des prises de positions de chacun, on ne veut vraiment aucune vague pour 2012. Puisse la blogosphère animer un peu cette campagne qui s'annonce bien lisse.