dimanche 21 août 2011

[Archive] La présomption d'informer


Article publié à l'origine le 17/05/2011 sur Gamekult. Il est publié sous sa forme originale, la mise en forme n'est pas adaptée entièrement aux standards de ce blog.

L'affaire DSK comme il convient de l'appeler prend des chemins assez retors, mais est-ce si étonnant après tout? Je n'ai une nouvelle fois pas envie de commenter le fond de l'accusation, car je ne suis ni juge ni jury et à l'heure actuelle nous ne possédons pas assez d'éléments nous permettant d'avoir un débat apaisé. Mais en laissant DSK de côté je m'étonne quand même une nouvelle fois du traitement de l'information par nos chers médias. Nous savions, selon la formule consacrée, que nous avions la gauche la plus bête du monde, mais j'apprends que nous avons également les journalistes les plus bêtes du monde. Je choisis ce terme pour éviter de parler de malhonnêteté ou de complaisance, car après tout on a plus de chances en France de voir un procès en diffamation qu'un procès de politique. 

Passées ces considérations sémantiques, et comme je m'en étonnais hier, je trouve déplorable que personne ne parle de la victime présumée, cette femme de chambre noire dont je n'ose imaginer une seule seconde que son statut racial ou social la rende insignifiante. Ce n'est pas très "de gauche" mais que reste-t-il de la gauche après tout? A longueur de une, on n'a de cesse de défendre coûte que coûte le soldat DSK, victime d'un complot mondial dont seuls les médias Français seraient au courant, mais dont ils seraient incapables d'apporter le début d'une preuve. Pendant ce temps la justice trouve des traces de griffes sur le torse de DSK, et trouve des témoignages corroborant la version de l'accusation. Soit. Les Américains sont anti-Français après tout. Voilà qui justifie tout. 

A présent, les avocats Français de DSK se réservent le droit de porter plainte pour non respect de la présomption d'innocence. Mais au nom de quoi? Ou j'ai de mauvais yeux ou c'est au contraire la présomption d'innocence qui dégouline de tous les journaux qui passent entre mes mains. Là où le bât blesse apparemment c'est que les médias véhiculent les images d'un DSK entravé. Je dis bien entravé car toujours de mémoire je ne me souviens pas avoir vu le début du reflet d'une paire de menottes. Et quand bien même? Le fait de voir une personne appréhendée menottée relève de l'information. Au nom de quoi devrions-nous censurer ces images? 

Si DSK est finalement acquitté ou relaxé ce ne sont pas ces images qui l'empêcheront de faire un retour triomphal. N'est-ce pas José Bové qui avait posé triomphalement menottes aux poignets il y a quelques années? Le CSA n'y a rien trouvé à redire mais aujourd'hui celui-ci met en garde. En garde de quoi? En garde d'informer? Le CSA aurait-il oublié que nous sommes à l'ère de la mondialisation de l'information? L'info circule partout et tout le temps, en flot continu. Si ces images existent et que les médias ne les diffusent pas, on les accusera, et à juste titre, de censure. Par ailleurs je trouve cela assez pathétique de la jouer vierge effarouchée alors que la vue d'un petit délinquant arrêté manu militari par la police n'a jamais choqué personne. Pourtant ce petit délinquant est également présumé innocent. Deux poids deux mesures? Il s'agirait de respect pour les familles. 

Et le respect pour la famille de l'employée du Sofitel, qui en a quelque chose à foutre depuis le départ? Nous est-il passé par la tête une seule seconde qu'il soit possible qu'elle soit réellement la victime? Je vais même aller plus loin: où est le CSA, où est la gauche et où sont les médias quand des images de cadavres sont diffusées au 20 heures lors d'un reportage sur le Liban, l'Afghanistan, la Palestine ou l'Irak? Les familles de ces civils charcutés n'ont pas droit au même respect sous prétexte qu'ils ne sont pas puissants ou patrons du FMI? 

J'en viens enfin à ce post lu sur Lemonde.fr. Mais de quel droit Madame Lesnes pense-t-elle parler au nom du peuple Français? De quel droit pense-t-elle bien faire son travail de journaliste d'ailleurs? Il est loin le temps où, du haut de mes quinze ans, j'achetais Le Monde de Colombani et Beuve-Mery et le lisais en cachette car cela faisait "intello" ou "prétentieux" alors que je m'intéressais juste au monde qui m'entourais. Certains médias profitent de cette affaire pour une nouvelle fois donner des leçons. Mais quelles leçons pouvons-nous bien donner, nous qui couvrons toutes les affaires politiques depuis trente ans, nous qui nommons ministre un pédophile assumé et nous qui refusons d'extrader un autre pédophile qui heureusement pour lui, est un grand cinéaste. 

Les extraditions de Français lambda ne souffrent par contre d'aucune retenue. Les médias se sont montrés, et se montrent complaisants avec ce qu'il convient d'appeler la caste. Cela m'arrache la langue de devoir dire ça, mais une nouvelle fois Marine Le Pen prend tout le monde de court en brisant la loi du silence et en disant que tout cela se savait. Même si je ne suis pas dupe sur ses motivations, le fait est en tout cas qu'elle a une nouvelle fois pris le contre pied de nos élites. A force de lui laisser ce terrain-là aussi, nos politiques et nos médias auront bien du mal à nous refaire des unes feignant l'étonnement d'un 21 - ou 22 - avril. 

Même si les choses ne sont pas dites ainsi, on est à deux doigts de lire que la femme de ménage l'a aguiché, qu'elle était habillée de façon provocante et qu'elle n'a eu que ce qu'elle méritait. C'est malheureusement notre conception de la justice, et cette fois-ci c'est la même pour tous. On a cette culture du bad boy, du mec un peu fourbe, un peu voyou. Quand deux jeunes détalent devant un contrôle policier et décèdent dans un transformateur électrique, événement tragique s'il en est, on se lamente sur les familles des deux jeunes et pas une seule seconde sur les policiers qui doivent sans doute également difficilement vivre avec ça. Quand un policier en civil abat un supporter du PSG pour protéger un autre homme, retranchés dans un fast food, pas une seule seconde on ne fait cas de l'homme qui était poursuivi par cette horde de supporters sur le seul motif de son origine ethnique. 

Cette culture du déni apparaît à son paroxysme aujourd'hui et ne m'inspire plus guère aucune confiance en notre justice, en notre classe politique et en nos médias à présent. Je me demande par quelle pirouette nos médias présenteront les faits si, et je ne le souhaite pas, DSK est reconnu coupable? En attendant, les donneurs de leçon et les gardiens de la morale à sens unique peuvent continuer à s'en donner à coeur joie.

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