dimanche 21 août 2011

[Archive] Le 21 avril à l'envers


Article publié à l'origine le 30/05/2011 sur Gamekult. Il est publié sous sa forme originale, la mise en forme n'est pas adaptée entièrement aux standards de ce blog.



A moins d'un an du premier tour de l'élection présidentielle, il commence à fleurir de plus en plus des articles mettant en garde sur la possibilité - ou probabilité pour certains - d'un 21 avril à l'envers. Même Jean-François Copé y va de sa petite musique pour tenter de dissuader Jean-Louis Borloo de présenter une candidature "centriste", au nom de l'unité de la majorité peut-on lire. 

Mais qu'est-ce vraiment que le 21 avril à l'envers? D'abord il s'agira du 22 avril 2012, le calendrier électoral ayant ainsi été fait. Ce terme désigne en fait l'absence d'un candidat PS ou UMP au second tour de l'élection présidentielle. Il est dit à l'endroit dans le cas de la disqualification du PS et à l'envers dans le cas du candidat UMP. Bien évidemment, il est fait référence au 21 avril 2002 où Lionel Jospin avait été mis hors jeu par Jean-Marie Le Pen. Un séisme politique. 

A titre personnel, je pense que c'est moins une performance de Jean-Marie Le Pen - qui était dans ses scores historiques - qu'une division de la gauche. Mais soit. Dès lors, il semblerait que ce terme du 21 avril à l'envers désigne non seulement la non qualification de l'un des deux partis majoritaires, mais également l'accession du Front National au second tour de l'élection présidentielle. Dès lors, est-ce qu'on peut parler de "21 avril" lors du premier tour de 1981 alors que Valery Giscard d'Estaing disqualifiait Jacques Chirac pour se retrouver face à François Mitterand? Un séisme politique, non? Est-ce qu'on aurait parlé de 21 avril si François Bayrou était arrivé au second tour de l'élection présidentielle de 2007? Est-ce que le 21 avril à l'envers, ce danger pour la démocratie, est donc la disqualification de l'un des deux partis majoritaires? Si tel est le cas, la sémantique est grave. 

On considère donc que le PS et l'UMP sont les deux seuls partis aptes à gouverner, les deux seuls partis qui ont le droit de se partager le pouvoir selon une alternance mal définie. Dès que l'un des deux partis dominants - et par la voix médiatique et par les moyens financiers - est en position fragile, on invoque ce rassemblement républicain pour faire rentrer toutes les voix dissonantes dans le rang. Malgré nos beaux discours, on rêve d'un système à l'Américaine, où seuls les Républicains et Démocrates ont le droit de cité. Considérer qu'il ne peut y avoir personne d'autre que le PS ou l'UMP au second tour est un grave déni de démocratie pour ma part. Le crier haut et fort est encore plus insoutenable, cela donne l'impression d'une certaine légitimité du discours, et une impunité des actes. Pourtant, après plus de trente ans d'alternance (en omettant l'exception VGE), nous serions fondés à remettre en cause cette alternance qui n'en est pas une, à vouloir tenter autre chose. 

Les événements de ces dernières semaines et dernières années nous prouve un peu plus que gauche et droite, ou PS et UMP plutôt, c'est souvent pareil. Les mêmes cercles de pouvoir, les mêmes libertés avec l'argent du contribuable, et souvent les mêmes délits. Alors qui pour un second tour inédit? Marine Le Pen? Selon les sondages ça semble probable, mais il ne faut pas trop vite enterrer François Bayrou, qui pourrait reprendre une place au centre laissée vacante par la mise hors jeu de DSK et par les hésitations de Borloo, Morin et Villepin qui se découvrent subitement une fibre centriste. Il sera amusant d'observer l'attitude du candidat de droite, si d'aventure c'était lui qui était éjecté du second tour. 

En 1981, Jacques Chirac avait refusé d'appeler à voter pour Valery Giscard d'Estaing, et se prononçait même pour François Mitterand à titre personnel. Si François Hollande se retrouvait face à Marine Le Pen, pour qui Sarkozy appellerait-il à voter? Probablement pour aucun, même s'il souhaiterait secrètement la victoire de Hollande. Une Marine Le Pen accédant au second tour sur les cendres de ses échecs sécuritaires serait pour lui un cauchemar et une humiliation. Délectable pour certains. Un match François Hollande/François Bayrou serait sûrement tout aussi problématique. En fait Nicolas Sarkozy n'envisage de voter pour personne d'autre que lui. Mais est-ce que ce risque concerne forcément l'UMP? Rien n'est moins sûr car la gauche privée de DSK va sûrement se déchirer à quelques semaines de ses primaires. 

La place laissée vide par le candidat déchu du FMI attise toutes les convoitises. Nous pourrions alors nous retrouver dans le cas de figure chaotique d'un duel Sarkozy/Le Pen. Il y a cinq ans, l'issue du match n'aurait fait aucun doute, mais aujourd'hui, à l'heure où les politiques dégoûtent l'opinion publique, à l'heure où Nicolas Sarkozy cristallise sur lui un rejet viscéral, un symbole de destruction de la cohésion nationale, pouvons-nous être certains de l'issue? Pour ces raisons, faut-il souhaiter que chacun rentre dans le rang et que nous retrouvions à l'arrivée notre sempiternel match UMP/PS? A titre personnel je ne le souhaite pas. Je prends l'heureux risque d'avoir un 21 avril à l'envers, car un 21 avril à l'envers serait une victoire démocratique, une victoire contre certains médias qui nous disent déjà pour qui voter et qui désignent les candidats. 

Dans cette période trouble, du sang neuf ne pourra faire que du bien, et au diable la diabolisation de Marine Le Pen. Si elle représente un danger pour la démocratie, interdisons le Front National. Si elle dérape, faisons-lui un procès. En l'état, c'est un parti républicain, financé par la République et qui a donc sa place sur l'échiquier. Que chacun sorte ses arguments, et que l'on retrouve quelqu'un qui a quelque chose à proposer au second tour, que ce soit Madame Le Pen, Monsieur Bayrou ou même Monsieur Mélenchon, soyons fous.

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