dimanche 21 août 2011

[Archive] Faut-il assassiner le candidat DSK?


Article publié à l'origine le 16/05/2011 sur Gamekult. Il est publié sous sa forme originale, la mise en forme n'est pas adaptée entièrement aux standards de ce blog.

Bien sûr je me dois de commencer ce papier avec toutes les précautions d'usage, bien sûr Dominique Strauss-Kahn n'est que présumé coupable, ou présumé innocent, c'est selon. Cependant je trouve que la façon de soumettre à distorsions cette présomption d'innocence, que ce soit rue de Solférino ou dans les médias est assez amusante. En effet le Parti Socialiste n'était pas aussi regardant quant à la présomption d'innocence lors de l'affaire Woerth-Bettancourt. Voilà que le PS brandit la loi en oubliant que c'est une affaire Américaine jugée aux Etats-Unis et que par conséquent les dispositions légales concernant cette présomption d'innocence ne s'appliquent pas. Il serait en outre difficile de brandir cette présomption à outrance quand on sait que le parcours de DSK a toujours été émaillé d'affaires légères liées à son appétit sexuel. En langage populaire on dit: il n'y a pas de fumée sans feu. Longtemps les frasques du Directeur du FMI nous ont amusées. On se sentait même fiers, fiers de voir un French lover transmettre notre image de "chauds lapins" dans le monde entier. On restait au niveau du mec sympa, un peu comme Chirac le franchouillard ou Borloo l'alcoolo comique. 

Ici une étape est franchie. Elle l'est avant tout par la gravité des accusations, mais également parce que l'armure du soldat DSK est fendue. En une petite semaine il a brisé deux tabous: celui de l'argent et du sexe. Certes la Porsche n'appartenait pas au Maire de Sarcelles, mais son train de vie était de plus en plus difficile à défendre face à des Français plombés par la crise. Après l'affaire des costumes défroissés sous la douche, des suites d'hôtel à 3000$, voici donc la tentative de viol et la séquestration. Une semaine où tout a basculé. DSK a réussi à cumuler les deux vices les plus inadmissibles des deux côtés de l'atlantique: l'argent roi en France et le scandale sexuel aux Etats-Unis. Plutôt que d'être pragmatiques, nos Socialistes tentent la pirouette complotiste, qui ne repose à vrai dire sur rien si ce n'est qu'on ne peut jamais se résoudre à accepter l'inacceptable. Une théorie du complot qui ne repose sur rien si ce n'est que l'info a été publiée en premier sur le Twitter d'un militant UMP. Ca prouve en tout cas que tous les journalistes ne sont pas de gauche, c'est rassurant quelque part. Blague à part, ce déni de réalité est assez pathétique étant donné la gravité de la situation. 

Le plus grave étant que les élites du PS parlent à présent de DSK comme d'une victime, alors que la victime présumée est la femme de chambre du Sofitel, il ne faudrait pas l'oublier. Depuis, les enquêteurs ont confirmé la version des faits de la victime (la vraie, vous suivez) et cette affaire part très mal pour DSK. Pas grave, on repart de plus belle au PS, choisissant à présent de tirer à boulets rouge sur la justice Américaine. Michèle Sabban s'offusque de voir son lieutenant avec des menottes. Doit-on lui rappeler qu'il s'agit là de la procédure désespérément banale du transfert d'une personne comparaissant devant un juge? Notre justice est-elle si mal en point que le fait de voir une personne menottée, à fortiori une personne connue, est intolérable? Nos politiques s'étonnent que décision ait été rendue de placer DSK en liberté. 

Halte à la mauvaise foi, on sait tous que le patron du FMI a les réseaux politiques et financiers qui lui permettent d'échapper à cette accusation. On sait également que la France ne pratique pas d'extradition vers les Etats-Unis, c'est malheureusement d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit d'accusations de nature sexuelle, Polanski ne me contredira pas. On regarde la justice US à travers notre prisme déformé. Ca n'en dit pas long sur la justice américaine, mais sur notre justice. Le procès Chirac est une parodie de justice, et on a encore tous en mémoire les simulacres d'accusation de Pasqua, Juppé et tous les autres. La justice a souvent du mal à exister pour le justiciable de base, mais alors pour les élites c'est carrément de la démence. 

Voir un accusé politique sans le sourire en France tient de la science-fiction, alors avec des menottes pensez-vous. Oui DSK doit être traité comme n'importe quel accusé, ni plus ni moins. Oui il présente des risques élevés de se soustraire à la justice. J'ai appris en lisant un journal US que celui-ci avait demandé un traitement particulier. Au nom de quoi? Cela nous confirme ou nous apprends que nos élites, de gauche ou de droite, sont définitivement déconnectées des réalités. Est-ce blâmable? Après tout, face à son destin, chacun essaierait de faire jouer ce qu'il peut. Non, ce qui est blâmable, c'est de prétendre représenter les classes populaires. C'est blâmable et insultant. Et le PS aurait tord d'essayer de se désolidariser car en le soutenant ils participent à cette image. 

Personne à gauche, pas plus qu'à droite, n'apparaît être en phase avec les aspirations des Français aujourd'hui. Ce n'est pas la campagne présidentielle qui est puante, mais notre classe politique. Le procès de DSK c'est avant tout notre procès à tous, le procès de notre société, et par là-même une leçon de démocratie, nous qui sommes tant habitués au népotisme, particulièrement depuis l'ère Sarkozy. Quelle que soit l'issue de cette longue procédure, le sort de Dominique Strauss-Kahn semble scellé. S'il semble prématuré de dire que sa carrière politique est finie, sa course à la présidentielle l'est. Même s'il était blanchi dans une semaine le mal serait fait. Il a accumulé les maladresses et les Français le jugeront sévèrement. 

Il est la preuve vivante qu'à gauche non plus on n'est pas garants de la morale. Entre les affaires à droite comme les cigares aux frais du contribuable, l'EPAD, Woerth, Alliot-Marie et l'affaire Guérini et DSK à présent à gauche, je vois d'ici qui en ressort gagnant. Car ne soyons pas dupes: si l'UMP semble dans la retenue jusqu'à présent, c'est surtout parce qu'elle sait qu'elle n'a pas à pavoiser avec toutes les affaires qu'elle traîne, et que d'autres pourraient être déterrées. Dès lors, le tous pourris de Marine Le Pen prend un nouveau sens. Qui pourrait encore prétendre le contraire aujourd'hui? Bien sûr chaque homme ou femme politique, individuellement, n'a pas forcément une casserole qui traîne, mais le discrédit est jeté sur l'ensemble. Et si ce discours trouvait un écho? 

Après tout Marine Le Pen n'est pas accusée de viol, elle n'a pas détourné de l'argent public. Un paradoxe qu'à cette heure grave le diable d'hier se drape dans les habits de la vertu. Et si tout l'échiquier politique était bouleversé? Et si les cartes étaient redistribuées? Pour répondre à la question de départ: faut-il assassiner le candidat DSK? Je pense que ce ne sera pas la peine, celui-ci a commis le suicide. Un geste noble dans beaucoup de cultures, mais qui est considéré comme lâche chez nous. Quelque part DSK est libéré: il a cessé de lutter contre lui-même, contre ses pulsions. Il peut enfin s'assumer, entre la Porsche et son attirance immodérée pour les femmes. Mais à quel prix!

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